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Gérard de Nerval 1808-1855

Fantaisie Une allée du Luxembourg El Desdichado Artémis Épitaphe

                Fantaisie

 


Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,
Un air très vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets.

Or, chaque fois que je viens à l'entendre,
De deux cents ans mon âme rajeunit :
C'est sous Louis treize; et je crois voir s'étendre
Un coteau vert, que le couchant jaunit,

Puis un château de brique à coins de pierre,
Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,
Ceint de grands parcs, avec une rivière
Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs ;

Puis une dame, à sa haute fenêtre,
Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens,
Que dans une autre existence peut-être,
J'ai déjà vue... et dont je me souviens !

 

                                    (Odelettes, 1853)

    Une allée du Luxembourg

 


Elle a passé, la jeune fille
Vive et preste comme un oiseau
À la main une fleur qui brille,
À la bouche un refrain nouveau.

C'est peut-être la seule au monde
Dont le coeur au mien répondrait,
Qui venant dans ma nuit profonde
D'un seul regard l'éclaircirait !

Mais non, - ma jeunesse est finie ...
Adieu, doux rayon qui m'as lui, -
Parfum, jeune fille, harmonie...
Le bonheur passait, - il a fui !

 

                                    (Odelettes, 1853)

                El Desdichado

 


Je suis le Ténébreux, - le Veuf, - l'Inconsolé,
Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Étoile est morte, - et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.

Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m'as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
Et la treille où le Pampre à la Rose s'allie.

Suis-je Amour ou Phoebus ?... Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ;
J'ai rêvé dans la Grotte où nage la Sirène...

Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.

 

                                        (Les Chimères, 1854)

                        Artémis

 


La Treizième revient... C'est encor la première ;
Et c'est toujours la Seule, - ou c'est le seul moment :
Car es-tu Reine, ô Toi! la première ou dernière ?
Es-tu Roi, toi le seul ou le dernier amant ? ...

Aimez qui vous aima du berceau dans la bière ;
Celle que j'aimai seul m'aime encor tendrement :
C'est la Mort - ou la Morte... Ô délice ! ô tourment !
La rose qu'elle tient, c'est la Rose trémière.

Sainte napolitaine aux mains pleines de feux,
Rose au coeur violet, fleur de sainte Gudule,
As-tu trouvé ta Croix dans le désert des cieux ?

Roses blanches, tombez ! vous insultez nos Dieux,
Tombez, fantômes blancs, de votre ciel qui brûle :
- La sainte de l'abîme est plus sainte à mes yeux !

 

                                        (Les Chimères, 1854)

                    Épitaphe

 


Il a vécu tantôt gai comme un sansonnet,
Tour à tour amoureux insoucieux et tendre,
Tantôt sombre et rêveur comme un triste Clitandre.
Un jour il entendit qu'à sa porte on sonnait.

C'était la Mort ! Alors il la pria d'attendre
Qu'il eût posé le point à son dernier sonnet ;
Et puis sans s'émouvoir, il s'en alla s'étendre
Au fond du coffre froid où son corps frissonnait.

Il était paresseux, à ce que dit l'histoire,
Il laissait trop sécher l'encre dans l'écritoire.
Il voulait tout savoir mais il n'a rien connu.

Et quand vint le moment où, las de cette vie,
Un soir d'hiver, enfin l'âme lui fut ravie,
Il s'en alla disant : " Pourquoi suis-je venu ? "

 

                                            (Poésies diverses, 1855)

 

 

Anna de Noailles 1876-1933

L'empreinte Offrande La nuit, lorsque je dors...

Vivre, permanente surprise !

 

                    L'empreinte

 


Je m'appuierai si bien et si fort à la vie,
D'une si rude étreinte et d'un tel serrement,
Qu'avant que la douceur du jour me soit ravie
Elle s'échauffera de mon enlacement.

La mer, abondamment sur le monde étalée,
Gardera, dans la route errante de son eau,
Le goût de ma douleur qui est âcre et salée
Et sur les jours mouvants roule comme un bateau.

Je laisserai de moi dans le pli des collines
La chaleur de mes yeux qui les ont vu fleurir,
Et la cigale assise aux branches de l'épine
Fera vibrer le cri strident de mon désir.

Dans les champs printaniers la verdure nouvelle,
Et le gazon touffu sur le bord des fossés
Sentiront palpiter et fuir comme des ailes
Les ombres de mes mains qui les ont tant pressés.

La nature qui fut ma joie et mon domaine
Respirera dans l'air ma persistante ardeur,
Et sur l'abattement de la tristesse humaine
Je laisserai la forme unique de mon coeur...

 

                                    (Le Coeur innombrable, 1901)

                        Offrande



Mes livres je les fis pour vous, ô jeunes hommes,
Et j'ai laissé dedans,
Comme font les enfants qui mordent dans des pommes,
La marque de mes dents.

J'ai laissé mes deux mains sur la page étalées,
Et la tête en avant
J'ai pleuré, comme pleure au milieu de l'allée
Un orage crevant.

Je vous laisse, dans l'ombre amère de ce livre,
Mon regard et mon front,
Et mon âme toujours ardente et toujours ivre
Où vos mains traîneront.

Je vous laisse le clair soleil de mon visage,
Ses millions de rais,
Et mon coeur faible et doux, qui eut tant de courage
Pour ce qu'il désirait.

Je vous laisse ce coeur et toute son histoire,
Et sa douceur de lin,
Et l'aube de ma joue, et la nuit bleue et noire
Dont mes cheveux sont pleins.

Voyez comme vers vous, en robe misérable,
Mon Destin est venu,
Les plus humbles errants, sur les plus tristes sables,
N'ont pas les pieds si nus.

-- Et je vous laisse, avec son feuillage et ses roses,
Le chaud jardin verni
Dont je parlais toujours; -- et mon chagrin sans cause,
Qui n'est jamais fini...

 

                                        (Les Eblouissements, 1907)

La nuit, lorsque je dors et qu'un ciel inutile
Arrondit sur le monde une vaine beauté,
Quand les hautes maisons obscures de la ville
Ont la paix des tombeaux d'où le souffle est ôté,

Il n'est plus, morts dissous, d'inique différence
Entre mon front sans âme et vos corps abolis,
Et la même suprême et morne tolérance
Apparente au néant le silence des lits !

 

                                        (Poèmes de l'Amour, 1924)

Vivre, permanente surprise !
L'amour de soi, quoi que l'on dise !
L'effort d'être, toujours plus haut,
Le premier parmi les égaux.
La vanité pour le visage,
Pour la main, le sein, le genou,
Tout le tendre humain paysage !
L'orgueil que nous avons de nous,
Secrètement. L'honneur physique,
Cette intérieure musique
Par quoi nous nous guidons, et puis
Le sol creux, les cordes, le puits
où lourdement va disparaître
Le corps ivre d'éternité.

- Et l'injure de cesser d'être,
Pire que n'avoir pas été !

 

                                        (L'honneur de souffrir, 1927)

 

 

Germain Nouveau 1851-1920

Hymne Les hôtesses Amour L'âme

 

                   Hymne

 


Amour qui voles dans les nues,
Baisers blancs, fuyant sur l'azur,
Et qui palpites dans les mues,
Au nid sourd des forêts émues ;

Qui cours aux fentes des vieux murs,
Dans la mer qui de joie écume,
Au flanc des navires, et sur
Les grandes voiles de lin pur ;

Amour sommeillant sur la plume
Des aigles et des traversins,
Que clame la sibylle à Cume,
Amour qui chantes sur l'enclume ;

Amour qui rêves sur les seins
De Lucrèce et de Messaline,
Noir dans les yeux des assassins,
Rouge aux lèvres des spadassins ;

Amour riant à la babine
Des dogues noirs et des taureaux,
Au bout de la patte féline
Et de la rime féminine ;

Amour qu'on noie au fond des brocs
Ou qu'on reporte sur la lune,
Cher aux galons des caporaux,
Doux aux guenilles des marauds ;

Aveugle qui suis la fortune,
Menteur naïf dont les leçons
Enflamment, dans l'ombre opportune,
L'oreille rose de la brune ;


                           >>>>  (Suite en haut à droite)

             (Suite)

 

 

Amour bu par les nourrissons
Aux boutons sombres des Normandes ;
Amour des ducs et des maçons,
Vieil amour des jeunes chansons ;

Amour qui pleures sur les brandes
Avec l'angélus du matin,
Sur les steppes et sur les landes
Et sur les polders des Hollandes ;

Amour qui voles du hautain
Et froid sourire des poètes
Aux yeux des filles dont le teint
Semble de fleur et de satin ;

Qui vas, sous le ciel des prophètes,
Du chêne biblique au palmier,
De la reine aux anachorètes,
Du coeur de l'homme au coeur des bêtes ;

De la tourterelle au ramier,
Du valet à la demoiselle,
Des doigts du chimiste à l'herbier,
De la prière au bénitier ;

Du prêtre à l'hérétique belle,
D'Abel à Caïn réprouvé ;
Amour, tu mêles sous ton aile
Toute la vie universelle !

Mais, ô vous qui m'avez trouvé,
Moi, pauvre pécheur que Dieu pousse
Diseur de Pater et d'Ave,
Sans oreiller que le pavé,

Votre présence me soit douce.

 

                       (Les Poèmes d'Humilis, 1904)

                        Les hôtesses

 


Quand vous coulant au bas de vos lits d'accouchées
Après les affres du premier enfantement
Vous vous dressez enfin, vous sentant allégées
Comme un arbre où saignait un fruit mûr, lourdement ;

Que dans votre miroir, Mères, Eves maudites,
Votre ombre frêle et pâle encore du danger
Vous fait prendre en horreur nos enfances, proscrites
D'un geste, et s'effarant d'un sourire étranger ;

Tandis que vous traînez, mornes, vos cicatrices,
Dieu nous voit blancs d'un lait revomi par ruisseaux,
L'âme et le front navrés du baiser des nourrices,
Miaulant au roulis d'impassibles berceaux.

Or, grandis dans l'orgueil d'avoir des coeurs si tristes,
Plus tard, après l'avoir respirée en chemin,
Ô femme, dans le vent plein d'adorables pistes,
Tu n'as tendu qu'un doigt à toute notre main.

Car, ô mortelle, enfant belle comme la Terre,
Tu ne peux attirer dans ta nuit, sans que dans
L'entrelacement nu de ta caresse amère
Luise toute la bête en l'éclair de tes dents.

Mais comme une qui tue et qui n'est pas méchante,
Tu souriras toujours, ne pouvant écouter,
Pour tous les noirs baisers où notre âme déchante,
Dans le ciel qui s'enfuit nos anges sangloter.

Ah ! nous la demandons toujours, la bonne
Hôtesse, La vraie, et dont le geste est sûr, toute au passant
Qui marche en la stupeur de la forêt traîtresse,
Les cheveux en sueur et les doigts lourds de sang ;

Chez qui coulent des flots de bonté merveilleuse
Et les vins rares sur la nappe, où le sommeil
Blotti dans un parfum de lessive rieuse
Se berce d'une ivresse encor verte au réveil ;

Où tu ne pèses pas, ô main, ce que tu donnes ;
Où, sur tes fruits charmants comme des fleurs, la faim
S'oublie en un verger aux trésors en couronnes
Et sous le soleil mûr d'un automne sans fin.

Mais, puisque c'est en vain, ô nos bouches, crieuses
D'infini, dont la voix, comme un oiseau de feu,
Emporte au ciel l'amour des foules furieuses,
Ah ! puisque Dieu sans doute existe, mais si peu !

Viens, toi, la plus affreuse et pourtant la meilleure,
Trop méconnue au temps où l'on était petit ;
Ô Mort, dernière Hôtesse, est-ce pas qu'il est l'heure
Ta mort bâille comme en un morne appétit.

Dérobe-nous, tes fils sont las, surtout des roses,
Pas de tout, certes, et vieux d'aller et d'espérer ;
Donne, ô Mort, ton sommeil aux sombres amauroses
Et que l'aube et ses coqs ne sauraient déchirer. 

 

                                   (La Doctrine de l'Amour, (écrit 1881) publ.1904)

                    Amour

 


Je ne crains pas les coups du sort,
Je ne crains rien, ni les supplices,
Ni la dent du serpent qui mord,
Ni le poison dans les calices,
Ni les voleurs qui fuient le jour,
Ni les sbires ni leurs complices,
Si je suis avec mon Amour.

Je me ris du bras le plus fort,
Je me moque bien des malices,
De la haine en fleur qui se tord,
Plus caressante que les lices ;
Je pourrais faire mes délices
De la guerre au bruit du tambour,
De l'épée aux froids artifices,
Si je suis avec mon Amour.

Haine qui guette et chat qui dort
N'ont point pour moi de maléfices ;
Je regarde en face la mort,
Les malheurs, les maux, les sévices ;
Je braverais, étant sans vices,
Les rois, au milieu de leur cour,
Les chefs, au front de leurs milices,
Si je suis avec mon Amour.

ENVOI

Blanche Amie aux noirs cheveux lisses,
Nul Dieu n'est assez puissant pour
Me dire : " Il faut que tu pâlisses ",
Si je suis avec mon Amour.

 

                                     (Valentines, (écrit 1885) publ.1921)

                    L'âme

 


Comme un exilé du vieux thème,
J'ai descendu ton escalier ;
Mais ce qu'a lié l'Amour même,
Le temps ne peut le délier.

Chaque soir quand ton corps se couche
Dans ton lit qui n'est plus à moi,
Tes lèvres sont loin de ma bouche ;
Cependant, je dors près de Toi.

Quand je sors de la vie humaine,
J'ai l'air d'être en réalité
Un monsieur seul qui se promène ;
Pourtant je marche à ton côté.

Ma vie à la tienne est tressée
Comme on tresse des fils soyeux,
Et je pense avec ta pensée,
Et je regarde avec tes yeux.

Quand je dis ou fais quelque chose,
Je te consulte, tout le temps ;
Car je sais, du moins, je suppose,
Que tu me vois, que tu m'entends.

Moi-même je vois tes yeux vastes,
J'entends ta lèvre au rire fin.
Et c'est parfois dans mes nuits chastes
Des conversations sans fin.

C'est une illusion sans doute,
Tout cela n'a jamais été ;
C'est cependant, Mignonne, écoute,
C'est cependant la vérité.

Du temps où nous étions ensemble,
N'ayant rien à nous refuser,
Docile à mon désir qui tremble,
Ne m'as-tu pas, dans un baiser,

Ne m'as-tu pas donné ton âme ?
Or le baiser s'est envolé,
Mais l'âme est toujours là, Madame ;
Soyez certaine que je l'ai.

 

                                     (Valentines, (écrit 1885) publ.1921)

 

 

Évariste de Parny 1753-1814

Le lendemain Délire Billet La Frayeur

 

            Le lendemain
           

              À Éléonore.

Enfin, ma chère Éléonore,
Tu l'as connu ce péché si charmant,
Que tu craignais, même en le désirant ;
En le goûtant, tu le craignais encore.
Eh bien ! dis-moi : qu'a-t-il donc d'effrayant ?
Que laisse-t-il après lui dans ton âme ?
Un léger trouble, un tendre souvenir,
L'étonnement de sa nouvelle flamme,
Un doux regret, et surtout un désir.
Déjà la rose aux lis de ton visage
Mêle ses brillantes couleurs ;
Dans tes beaux yeux, à la pudeur sauvage
Succèdent les molles langueurs,
Qui de nos plaisirs enchanteurs
Sont à la fois la suite et le présage.
Ton sein, doucement agité,
Avec moins de timidité
Repousse la gaze légère
Qu'arrangea la main d'une mère,
Et que la main du tendre amour,
Moins discrète et plus familière,
Saura déranger à son tour.
Une agréable rêverie
Remplace enfin cet enjouement,
Cette piquante étourderie,
Qui désespéraient ton amant ;
Et ton âme plus attendrie
S'abandonne nonchalamment
Au délicieux sentiment
D'une douce mélancolie.
Ah ! laissons nos tristes censeurs
Traiter de crime impardonnable
Le seul baume pour nos douleurs,
Ce plaisir pur, dont un dieu favorable
Mit le germe dans tous les coeurs
Ne crois pas à leur imposture.
Leur zèle hypocrite et jaloux
Fait un outrage à la nature :
Non, le crime n'est pas si doux.

 

                            (Poésies érotiques, 1778-1781)

                    Délire
 


Il est passé ce moment des plaisirs
Dont la vitesse a trompé mes désirs;
Il est passé; ma jeune et tendre amie,
Ta jouissance a doublé mon bonheur.
Ouvre tes yeux noyés dans la langueur,
Et qu’un baiser te rappelle à la vie.

Celui-là seul connaît la volupté,
Celui-là seul sentira son ivresse,
Qui peut enfin avec sécurité
Sur le duvet posséder sa maîtresse.
Le souvenir des obstacles passés
Donne au présent une douceur nouvelle;
A ses regards son amante est plus belle;
Tous les attraits sont vus et caressés.
Avec lenteur sa main voluptueuse
D’un sein de neige entrouvre la prison,
Et de la rose il baise le bouton
Qui se durcit sous sa bouche amoureuse.
Lorsque ses doigts égarés sur les lis
Viennent enfin au temple de Cypris,
De la pudeur prévenant la défense,
Par un baiser il la force au silence.
Il donne un frein aux aveugles désirs;
La jouissance est longtemps différée;
Il la prolonge, et son âme enivrée
Boit lentement la coupe des plaisirs.

Éléonore, amante fortunée,
Reste à jamais dans mes bras enchaînée.
Trouble charmant! le bonheur qui n’est plus
D’un nouveau rouge a coloré ta joue;
De tes cheveux le ruban se dénoue,
Et du corset les liens sont rompus.
Ah! garde-toi de ressaisir encore

Ce vêtement qu’ont dérangé nos jeux;
Ne m’ôte point ces charmes que j’adore,
Et qu’à la fois tous mes sens soient heureux!
Nous sommes seuls, je désire, et tu m’aimes
Reste sans voile, ô fille des Amours!
Ne rougis point; les Grâces elles-mêmes
De ce beau corps ont formé les contours
Partout mes yeux reconnaissent l’albâtre,
Partout mes doigts effleurent le satin.
Faible pudeur, tu résistes en vain,
Des voluptés, je baise le théâtre.
Pardonne tout, et ne refuse rien,
Éléonore; amour est mon complice.
Mon corps frissonne en s’approchant du tien.
Plus près encor, je sens avec délice
Ton sein brûlant palpiter sous le mien.
Ah! laisse-moi, dans mes transports avides,
Boire L’amour sur tes lèvres humides.
Oui, ton haleine a coulé dans mon coeur,
Des voluptés elle y porte la flamme;
Objet charmant de ma tendre fureur,
Dans ce baiser reçois toute mon âme.

A ces transports succède la douceur
D’un long repos. Délicieux silence,
Calme des sens, nouvelle jouissance,
Vous donnez seuls le suprême bonheur!

Puissent ainsi s’écouler nos journées
Aux voluptés en secret destinées!
Qu’un long amour m’assure tes attraits;
Qu’un long baiser nous unisse à jamais.
Laisse gronder la sagesse ennemie;
Le plaisir seul donne un prix à la vie.
Plaisirs, transports, doux présents de Vénus,
Il faut mourir quand on vous a perdus!

 

                            (Poésies érotiques, 1778-1781)

          Billet

 


Apprenez, ma belle,
Qu'à minuit sonnant,
Une main fidèle,
Une main d'amant,
Ira doucement,
Se glissant dans l'ombre,
Tourner les verrous
Qui dès la nuit sombre,
Sont tirés sur vous.
Apprenez encore
Qu'un amant abhorre
Tout voile jaloux.
Pour être plus tendre,
Soyez sans atours,
Et songez à prendre
L'habit des Amours.

 

                            (Poésies érotiques, 1778-1781)

                      La Frayeur
 


Te souvient-il, ma charmante maîtresse,
De cette nuit où mon heureuse adresse
Trompa l'Argus qui garde tes appas ?
Furtivement j'arrivai dans tes bras.
Tu résistait ; mais ta bouche vermeille
A mes baisers se dérobait en vain ;
Chaque refus amenait un larcin.
Un bruit subit effraya ton oreille,
Et d'un flambeau tu vis l'éclat lointain.
Des voluptés tu passas à la crainte ;
L'étonnement vint resserrer soudain
Ton faible coeur palpitant sous ma main ;
Tu murmurais ; je riais de ta plainte ;
Je savais trop que le dieu des amants
Sur nos plaisirs veillait en ces moments.
Il vit tes pleurs ; Morphée, à sa prière,
Du vieil Argus que réveillaient nos jeux
Ferma bientôt et l'oreille et les yeux,
Et de son aile enveloppa ta mère.
L'Aurore vint, plus tôt qu'à l'ordinaire,
De nos baisers interrompre le cours ;
Elle chassa les timides Amours :
Mais ton sourire, peut-être involontaire,
Leur accorda le rendez-vous du soir.

Ah ! si les dieux me laissaient le pouvoir
De dispenser la nuit et la lumière,
Du jour naissant la jeune avant-courrière
Viendrait bien tard annoncer le Soleil ;
Et celui-ci dans sa course légère
Ne ferait voir au haut de l'hémisphère
Qu'une heure ou deux son visage vermeil.
L'ombre des nuits durerait davantage,
Et les amours auraient plus de loisirs.
De mes instants l'agréable partage
Serait toujours au profit du plaisir.
Dans un accord réglé par la sagesse,
A mes amis j'en donnerais un quart ;
Le doux sommeil aurait semblable part,
Et la moitié serait pour ma maîtresse.

 

                            (Poésies érotiques, 1778-1781)

 

 

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